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Culture

À la rencontre de Francine Cutruzzolà, la “mama” Bibliothèque de Monthey

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Nous sommes allés à la rencontre de Francine, une Montheysanne d’origine, à la tête de la bibliothèque A Tous livres de Monthey. Avec elle, vous allez découvrir tout autour de cet espace culturel, des difficultés que cette bibliothèque associative rencontre en passant par ses prochains défis, l’impact du COVID19 sur ses activités et son impact sur la population de la région en général et sur celle d’origine étrangère en particulier.

 

Bonjour Francine, pouvez-vous nous parler de vous ?

Je suis une enseignante retraitée qui a repris la présidence de la bibliothèque interculturelle A Tous Livres voici bientôt dix ans. Née et grandie à Monthey, je dis toujours que je suis une migrante « à l’envers » car mon mari vient d’un tout petit village de Calabre au sud de l’Italie, où je passe 3 mois par an depuis 50 ans. J’ai donc appris l’italien et le dialecte local afin de pouvoir communiquer avec ma famille et les habitants du lieu. J’y suis bien intégrée et mes enfants et petits-enfants s’y sentent comme chez eux.

 

Pouvez-vous présenter brièvement votre association et nous parler de la bibliothèque À tous livres s’il vous plaît, son financement, ses objectifs, etc ?

A Tous Livres fête ses 15 ans cette année. C’est la seule bibliothèque de ce type en Valais. Nous sommes membres d’Interbiblio, l’association faîtière des bibliothèques interculturelles de Suisse qui en compte 28. Nous sommes financés par la Confédération, le canton et la commune qui nous reconnaissent une utilité publique. Cependant, nous fournissons à 80% un travail bénévole pour lequel nous peinons à trouver de la relève. Cette situation empêche le développement de projets notamment en faveur du soutien à la lecture pour les enfants et les adultes, ainsi que des heures d’ouverture étendues. De plus, les locaux ne sont pas accessibles aux personnes à mobilité réduite et manquent de visibilité. Nos objectifs sont ceux recommandés par le manifeste de l’UNESCO de 1994, soit de permettre aux lecteurs d’entretenir l’usage de leur langue d’origine, de se familiariser avec le français et de découvrir d’autres langues et cultures. En valorisant les multiples facettes linguistiques et culturelles de la société, nous voulons aider le lecteur à se sentir bienvenu, à s’exprimer et à élargir son regard. La bibliothèque se veut un véritable pont entre les migrants et la population suisse et s’efforce par ses différentes activités de favoriser les échanges. Elle est un vecteur important d’intégration et un outil contre les préjugés et les discriminations. L’association offre également un espace de travail passionnant pour des bénévoles d’origines très diverses.

La bibliothèque À tous livres est un véritable pont entre les migrants et la population suisse. Qu’en est-il de la population d’origine africaine spécialement ? Les trouve-t-on parmi les lecteurs et lectrices ? 

Notre catalogue compte environ 250 titres en une vingtaine de langues africaines et nous avons reçu plusieurs écrivains et conteurs africains lors de nos soirées-lecture ou des contes du monde. Je citerai Fatou Diome, Révérien Rurangwa et différents conteurs et conteuses vivant dans notre région et acteurs enthousiastes des Contes du Monde (Magreb, Congo, Maroc, Guinée). Nous rencontrons aussi des lecteurs africains lors des visites que nous organisons pour les élèves des cours de français, ainsi que lors d’animations de découvertes comme les ateliers « On papote ».

Quels liens y a-t-il entre À tous livres et l´Afrique ?

Il n’y a pas de lien spécifique entre la bibliothèque et l’Afrique. Par contre, de nombreux lecteurs et lectrices issus des communautés africaines présentes dans notre région fréquentent régulièrement la bibliothèque. C’est notamment le cas pour celles et ceux qui apprennent le français et qui trouvent ici des méthodes d’apprentissage, des dictionnaires et des livres en français simplifié. Nous recevons aussi les classes primaires de Monthey pour l’animation Amahoro dont le but est la découverte des langues et écritures du monde, à travers des jeux et des histoires correspondant aux objectifs du programme d’éducation à la citoyenneté de l’école obligatoire. C’est toujours un plaisir pour nous de voir la joie de ces enfants lorsqu’ils trouvent un livre dans leur langue, que ce soit du tigrigna, du lingala ou de l’arabe et qu’ils l’emportent à l’école.

Quel impact a eu le COVID19 sur votre association jusqu’ici, les bibliothèques ont dû aussi fermer un moment?

Cette situation est terrible pour tous les acteurs culturels et nous avons subi les mêmes mesures que nos collègues des institutions publiques. Nous avons pu compter sur une excellente collaboration avec le délégué à l’intégration et avons adapté nos pratiques en conséquence. Cependant, le lien avec les lecteurs est quelque peu rompu et il nous faudra beaucoup d’énergie et de créativité pour renouer ces liens. Un projet allant dans ce sens et visant à accueillir les nouveaux arrivants à Monthey est prêt à être mis en œuvre dès que la situation sanitaire le permettra.

Quelles sont les perspectives pour les prochaines années ?

Ces 15 années d’activité ont démontré le besoin d’une telle structure pour apprendre à mieux se connaître les uns les autres et à bien vivre ensemble, sans préjugés. Cette richesse interculturelle a profondément marqué et influencé toute la société montheysanne. J’ai décidé de remettre mon mandat de présidente cette année encore et je souhaite de tout cœur que nous pourrons continuer à être soutenus et reconnus par le monde politique et par nos fidèles lecteurs.

Vous remettez effectivement votre mandat à la fin mai. Quel sentiment avez-vous après avoir servi ces dix dernières années, un sentiment du devoir accompli?

J’ai le sentiment du devoir accompli parce que cette bibliothèque, partie de zéro, propose maintenant un service public qui fonctionne avec une grande offre de plus de dix mille livres pour les lecteurs dans plus de 100 langues. Je pense qu’il faut œuvrer pour que cette bibliothèque perdure. J’ai aussi un petit sentiment d’inachevé parce que j’aurais aimé que la bibliothèque soit reprise par la commune de manière à assurer sa pérennité et faire en sorte que l’association A tous livres puisse promouvoir plus d’évènements culturels comme la lecture, les contes, les films, les pièces de théâtre et qu’elle puisse aussi renforcer ses liens avec le public, avec les lecteurs. Malheureusement, cela n’est pas encore le cas mais j’ai bon espoir que cela vienne car l’accès à la culture est un réel besoin aussi pour la population d’origine étrangère qui représente le 30% de la population dans la région.

 

 

Quelles sont les raisons pour lesquelles vous remettez votre mandat, est-ce à cause de votre nouvel engagement politique?

Non pas du tout. Comme je vous l’ai dit, j’ai 70 ans et ça fait dix ans que je m’occupe à faire grandir cette bibliothèque. Je pense qu’il est bien de passer la main quand on a encore envie mais je crois aussi qu’il faut que des personnes s’engagent, qu’il y ait de nouvelles idées, des personnes plus jeunes et du soutien pour un nouvel élan. C’est ça qui est difficile! C’est presque du militantisme que de faire du bénévolat. Je pense que c’est un plus pour toute notre population de mieux se connaitre et de vivre ensemble en faisant fis des préjugés. Je souhaite bonne chance et plein succès à la nouvelle équipe.

Auriez-vous quelque chose d’autre à partager sur cette plateforme pour nos lecteurs et lectrices?

Je lance un appel aux personnes qui auraient envie de venir compléter notre équipe de bénévoles. Il n’y a pas besoin d’avoir des connaissances particulières car nous formons nous-mêmes ces personnes. Il suffit de donner quelques heures par semaine pour recevoir en retour le plaisir d’intégrer une équipe, d’échanger avec des lecteurs venus du monde entier, de se former et d’acquérir des compétences dans un domaine spécifique. Je terminerais par cette citation d’un proverbe africain:

« La culture est la possibilité même de créer, de renouveler et de partager des valeurs, le souffle qui accroit la vitalité de l’humanité… »

 

Propos recueillis par Merlin Tchouanga

 

Contacter la bibliothèque A Tous livres:

Email : atouslivres@maisondumonde.ch
Adresse : Avenue du Crochetan 42, 1870 Monthey
Tel : 078 661 90 61

Site Web : www.atouslivres.ch

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