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Immersion dans le parcours estudiantin d’un jeune Tunisien en Suisse !

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Étudiant en Master dans l´une des deux écoles polytechniques de Suisse, ce Tunisien arrivé en Suisse après son baccalauréat (maturité, ndlr) obtenu dans son pays natal, a bien voulu partager son expérience et son parcours avec les lecteurs d´Afrique Opinion. C´est entre deux cours à l´EPFL (Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, ndlr), que nous avons pu lui tendre notre micro.

 

Bonjour Baha Ferchichi et bienvenue sur la plateforme d´échange et de communication Afrique Opinion. Qui êtes-vous exactement ?

Je suis un jeune étudiant d´origine tunisienne, j´ai 28 ans et je suis ici en Suisse depuis 9 ans. J´étudie à l´EPFL (Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, ndlr), j´ai fait de la microtechnique en Bachelor et maintenant je fais un Master de Robotique avec un mineur technologies biomédicales. Je fais de la musique aussi et beaucoup d´autres choses. On y reviendra petit à petit.

 

Comment en êtes-vous arrivé à intégrer cette prestigieuse école supérieure qu´est l´EPFL ?

C´est marrant parce que je me suis inscrit sans savoir qu´elle était si prestigieuse que ça. À vrai dire j´ai réussi mon baccalauréat (maturité, ndlr) avec mention excellence en Tunisie, j´avais le score pour faire plus ou moins ce que je voulais, médecine, ingénieur ou autre. J´avais choisi de faire les beaux-arts comme premier choix, et chez nous beaux-arts, c´est pas du tout vendeur, ce n´est pas un coussin dans la vie comme on dit chez nous. Ma mère n´était pas trop d´accord avec et elle me disait tu devrais faire quelque chose de plus sérieux, de plus sûr et tu peux garder ton côté artistique et le développer plus tard au fur et à mesure après que tu aies fini tes études. Et puis je me suis dit si je ne peux pas faire ce que je veux chez moi en Tunisie, autant partir ailleurs, ça serait une belle découverte. Donc on a cherché où est-ce que je pouvais poursuivre mes études. Il  y avait la France à Toulouse, à Paris, il y avait la Belgique, une possibilité d´aller en Allemagne, au Canada, en Suisse et du coup j´ai fait des préinscriptions un peu partout. Heureusement, toutes mes préinscriptions ont été acceptées et  il fallait faire un choix. Le plus évident était la Suisse car j´avais une tante qui habitait Genève, c´était déjà une facilité, il y avait quelqu´un qui pourrait me mettre dans le bain. Alors j´ai demandé à ma tante où est-ce que je pouvais m´inscrire, elle m´a donné un seul nom, EPFL et puis elle m´a dit cherche encore ailleurs. Du coup, je me suis inscrit à l´EPFL et on m´accepté. Je suis venu ici, le premier jour on nous a présenté l´EPFL, ce qu´ils font, leur ranking et c´est là que j´ai découvert que j´étais dans un monde où j´aurais adoré y être. Merci le karma, merci Dieu…. C´est comme cela que j´atterris à l´EPFL.

 

Parlez-nous de votre intégration au sein de cette école. Quels rapports entretenez-vous avec vos camarades étudiants et le corps enseignant ?

Mon intégration s´est faite très naturellement. Au début, c´était difficile parce que je ne maîtrisais pas bien la langue française, je parlais vraiment mal, avec l´accent, je tutoyais tout le monde. C´était à la limite bloquant au début mais j´ai eu la chance de faire partie d´un groupe d´étudiants pendant ma première année. C´était un groupe super métissé, il y avait une Macédonienne, un Italien, une Suissesse, un Suisse, trois Français et moi. Ça parlait plus français forcément parce qu´il y avait plus de francophones que d´autres. On avait une belle vibe (de la bonne humeur, ndlr), pour tout et n´importe quoi. On me corrigeait tellement, que ce soit lorsqu´on sortait ensemble, lorsqu´on mangeait ensemble et aussi quand on faisait des erreurs de français. Du coup, je dois mon intégration à ce groupe-là. Même en ce qui concerne les études, on travaillait tout le temps ensemble. Quand on avait un exercice de Mathématiques par exemple, chacun le résolvait avec sa méthode apprise dans son pays. Alors pour résoudre un même problème, il y avait déjà différentes manières et méthodes, et c´était déjà symbolique. Quand on mange ensemble, on peut manger de différentes manières et pour différentes raisons et c´est ceci qui fait qu´on s ´intègre facilement.

 

Et de vos rapports avec les professeurs…

Les profs sont toujours là pour répondre à nos questions, nous donner de bons conseils. Ainsi, c´était le cadre idéal pour commencer à s´intégrer. Mais quand j´ai commencé à travailler, j´ai découvert que c´était un autre monde, quand on fait des projets à l´école pour la pratique, c´est un autre monde, et ainsi de suite. En gros à chaque fois, il fallait se jeter dans le tas pour vivre et en vivant cette expérience, on apprend beaucoup et c´est comme cela qu´on s´intègre.

 

Parlez-nous concrètement des difficultés que vous avez eues durant votre parcours jusqu´ici en tant qu´étudiant maghrébin ici en Suisse

Parlant des difficultés il y en a toujours. C´est ce qui donne un petit goût quelque part. Une fois ces difficultés passées, il y a une certaine satisfaction. Donc chez moi c´était la langue, et si on ne la maitrise pas, on va passer à côté de beaucoup de choses comme une ironie, une blague ou autre chose. L´autre difficulté, c´est les papiers. C´est toujours le cas et je pense que cela sera toujours le cas partout dans le monde d´ailleurs. Donc, si on veut chercher un travail, moi étant étranger d´un pays tiers, je viens en troisième position, la procédure est tellement longue que ce soit pour moi en tant qu´étudiant-travailleur que pour l´entreprise qui va engager un étranger. Ça c´est déjà une très grande difficulté. Après si on arrive à être motivé, on a le profil qu´il faut et qu´on soit déterminé, c´est tout à fait possible de vaincre ces difficultés. Une autre difficulté c´est le financement, une énorme difficulté d´ailleurs. J´ai quand même eu la chance de ne pas trop subir cette difficulté mais si je parle au nom d´autres compatriotes, par exemple depuis la Tunisie, on ne peut envoyer qu´un montant maximum qui est très petit pour les charges mensuelles d´un étudiant ici (loyer, assurance maladie, transport, repas, etc), l´équivalent de CHF1000.- voire un tout petit peu moins. Moi personnellement comme j´habitais chez ma tante, j´avais besoin d´un tout petit peu moins.

 

Quelles perspectives avez-vous après vos études, quelles sont les débouchés ?

Les perspectives existent, elles sont là que c´est difficile de faire un choix. Je suis en train de planifier ce que je pourrais faire. J´ai des contacts avec une entreprise aux États-Unis, elle fabrique une machine exceptionnelle, c´est un robot qui opère, qui fait de la chirurgie ; des opérations qu´un chirurgien ne pourrait faire avec ses mains proprement parce qu´il faut être super précis. Si cette piste-là ne marchait pas ou qu´il faudrait y aller plus tard, il y a aussi beaucoup d´entreprises ici en Suisse  qui font dans les machines biomédicales et si c´est pas ça, il y a aussi la possibilité de continuer en doctorat. Si c´est pas le doctorat, je pourrais faire de la musique comme je n´ai pas fait les beaux-arts comme je voulais après mon baccalauréat, je pense que je vais dédier peut-être 2 à 3 ans pour voir si j´ai ce qu´il faut pour ou pas. Et si par hasard ce que je voudrais transmettre, ça parle aux gens, c´est bien si non si ça ne marche pas au moins j´aurais essayé. Il y a tellement de possibilités dans la vie. Je suis aussi chaud d´aller tenter une autre aventure ailleurs, j´ai passé quand même assez de temps en Suisse, j´ai beaucoup appris ici, je dois beaucoup à la Suisse surtout aux gens que j´ai croisés ici mais je pense qu´il y a encore beaucoup à apprendre ailleurs.

 

Donc ça a été une bonne expérience d´être passé par la Suisse…

Clairement. Si c´était à refaire, je le referais.

 

Nous arrivons au terme de notre entretien. Quel conseil donneriez-vous à un jeune africain qui aimerait étudier à l´EPFL, comment s´y prendrait-il?

Alors déjà le premier conseil c´est vas-y, sors. Pas en fuyant sa patrie ou sa culture. En fait quand tu sors, il faut avoir un recul. On ne peut pas comparer si on n´a pas de référence. Si on est toujours planté dans sa culture elle nous paraitra toujours meilleure. Se frotter aux autres nous apprend tellement dans la vie, sur leur religion, leur culture, musicalement parlant aussi. Maintenant il faudrait adopter une attitude lorsqu´on est sorti, il faudrait être super ouvert, pas juger les gens. Il faut d´abord écouter, laisser un peu de chance, commencer par se dire ils ont raison plutôt que ils ont tort. Ça c´est mon conseil, sortez,  allez apprendre ailleurs et pensez aussi à revenir un jour dans votre pays pour réinjecter tout ce que vous avez appris. Si tous les meilleurs sortent, il n´y aura plus personne pour développer le pays.

 

Merci Baha pour ce temps accordé à notre magazine.

Merci à vous.

                                                                                                 

Propos recueillis par Merlin Tchouanga

 

 

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