Jérôme Aké Béda: en attendant la consécration du grand maître du vin.

Aké Béda Jérôme est africain d’origine et œnologue. Il est originaire de la Côte d’Ivoire. Signe distinctif: désigné en 2015, meilleur sommelier de Suisse par le Gault & Millau. En 2018, il est fait 15ème commandeur de l’Ordre des vins Vaudois. Le moins qu’on puisse dire, le natif d’Adzopé fait la fierté du continent Africain.

Jérôme Aké Béda. Son nom seul évoque le vin et le Chasselas qu’il apprécie tant. Lorsque je contacte l’œnologue pour un entretien à bâton rompu, il m’avoua attendre une « occasion appropriée et mieux adaptée », pour faire d’une pierre deux coups. « Je vous tiendrai au courant d’une très grande manifestation qui aura lieu en Valais l’été prochain me dit-il. Je ne peux pas en dire plus pour le moment. A cette occasion, on pourra parler de moi. » Pour le Maître d’hôtel, ce sera une « consécration. »

Du Wafou à l’Auberge de l’Onde

Aké Béda est né en 1962 à Adzopé, en pays Attié – l’ethnie locale – au sud de la Côte d’Ivoire. Il y a passé toute son enfance et une partie de sa vie d’adulte. Diplômé du lycée hôtelier d’Abidjan, il travailla au restaurant du complexe le Wafou situé dans le quartier de Marcory-Biétry. Lorsqu’il quitte Abidjan en 1989, pour la France, il a en tête de rallier l’Amérique pour vivre son rêve. Pourtant bosser au Wafou d’apparence n’était pas si mal. L’établissement, se trouvant dans un quartier résidentiel, était avec l’hôtel Ivoire, l’hôtel du Golf et autres, parmi les plus prisés des touristes et des autochtones en quête du chic. C’était « the place to be. » Tant pis, il s’en alla quand même. A la faveur de retrouvailles inattendues avec un de ses mentors dans la profession, qu’il posa ses valises dans la Confédération Helvétique au début des années 90. Sa soif d’apprendre le renvoie sans hésiter sur les bancs de l’école afin de parfaire ses connaissances, surtout dans un environnement qui lui est méconnu et dont il faut connaître les rouages et habitudes. En quelque sorte apprivoiser le « way of life » à la Suisse. Parallèlement à ses études, il travailla sans cesse dans nombre de restaurants ayant pignon sur rue en Suisse. Depuis 2006, ce fin connaisseur de Chasselas, l’un des cépages de Lavaux, AOC située dans le Canton de Vaud,  officie à la brasserie-rôtisserie de l’Auberge de l’Onde, à Saint-Saphorin entre Vevey et Lausanne.

En faveur de la jeunesse africaine

Aké Béda parle avec aisance. Surtout de son métier de Maître d’hôtel et d’œnologue qu’il aimerait mieux faire connaître. L’ad hoc du vin voudrait selon toute vraisemblance vulgariser l’œnologie. Pourquoi pas en Afrique ! Le problème, « chez nous lorsqu’on parle de notre métier, on nous prend pour des soulards lance-t-il avec regret et désolation. » L’homme a de la tchatche comme on dit. Il aborde sans détour les maux qui minent le continent africain. En fervent défenseur de la nouvelle génération africaine voulant rentrer au pays pour y apporter sa contribution, Mr. Béda dénonce le mépris des dirigeants africains vis à vis de leurs concitoyens. « Il n’est pas normal que des jeunes qui, après leurs études à l’étranger se voient refuser des aides pour la création d’entreprises ou start-up clame-t-il. Dans le tourisme et l’hôtellerie, on leur met des barrières au détriment de certains Européens qui n’ont rien à faire dans ce métier et qui se prennent pour les rois du monde sous les tropiques ! » Voilà qui est dit ! Et ce n’est pas faux. L’Afrique souffre de ses élites complexées, et encore à la solde de l’Occident. Jérôme Aké s’offusque des regards lorsqu’il revêt son noir tablier. « Ici – en Europe – certaines personnes s’étonnent de voir un sommelier Noir ! Je leur réponds pourquoi pas, j’ai une langue et de surcroit qui est de la même couleur que quiconque ! » Il renchérit: « mon sang est aussi rouge ! »

« Je n’aime pas parler de moi »

« Sachez que je n’ai rien contre vous ! Plusieurs médias auparavant m’ont invité pour parler de mon parcours. Mais je n’aime pas parler de moi. De nos jours, on retrouve tout sur Facebook ! Il y a des sujets plus intéressants à aborder que de parler de ma personne. » Le sommelier est modeste? C’est en tout cas bon à savoir. Aké Béda nous a donné rendez-vous l’été prochain. D’ici-là, « vous pouvez passer à l’Auberge à l’occasion, nous boirons volontiers un p’tit verre. » Bien entendu, avec modération et ça ne fera pas de mal !

Epiphane Amanfo