C´est dans son cabinet privé au cœur de la ville de Martigny que nous sommes allés à la rencontre de ce médecin psychiatre qui fait son bout de chemin dans le Valais. Rescapé du génocide des Tutsi de 1994 au Rwanda où il était âgé de 18 ans, il est à présent installé en cabinet privé où il exerce son métier de cœur sans toutefois oublié d´où il vient. Lisez plutôt…
Docteur Patana Mulisanze, bienvenue sur cette plateforme d´échange et de communication qu´est Afrique Opinion. Qui êtes-vous exactement ?
Je m´appelle Patana Mulisanze, je suis d´origine Rwandaise, je suis en Suisse depuis 2008. Je suis venu faire une formation de spécialisation en psychiatrie et psychothérapie. J´ai terminé les études de médecine générale au Rwanda où j´ai travaillé deux ans et demie en psychiatrie avant de venir en Suisse. Je suis marié et père de deux enfants.
En jetant un coup d´œil sur votre CV, on s´aperçoit que vous n´êtes pas seulement psychiatre. Vous avez aussi fait de la sexologie et de la médecine du travail. C´est quoi la sexologie et d´où vous vient cette pluridisciplinarité ?
C´est vrai après ma formation de psychiatre et psychothérapeute, j´ai fait aussi une formation de deux ans en sexologie clinique à Genève. La sexologie clinique s´intéresse à l´étude de la sexualité humaine et du traitement de ses troubles. L´intérêt m´est venu du fait que dans mon travail au quotidien, j´étais confronté à des personnes qui souffraient de troubles sexuels liés aux troubles psychiques et il était important pour moi d’apporter à cette demande des réponses plus éclairées.
Vous avez aussi fait de la médecine du travail…
La médecine du travail, je l´ai faite durant une année et demie dans le cadre de ma formation post- graduée en psychiatrie. Ce fut un moment important dans ma formation, où j’ai été principalement sensibilisé à la santé au travail et aux risques professionnels qui en découlent.
Vous parlez aussi 5 langues ? Comment expliquez-vous cela?
Je parle couramment le français, le Kinyarwanda, le Kirundi et l´anglais. Le Swahili, je comprends assez bien mais je n´ai pas de bonnes notions orales.
On peut donc dire que vous apprenez facilement les langues…
Oui on peut dire comme ça.
Vous avez sûrement eu des difficultés ou des mésaventures tout au long de votre parcours à un moment donné. Pouvez-vous nous dire comment vous vous en êtes sorti?
Comme vous pouvez bien vous en douter et comme je viens du Rwanda, vous savez bien que le Rwanda a connu en 1994 le génocide des Tutsi. Ça je l´avais vécu, j´avais 18 ans, j´ai perdu beaucoup de membres de ma famille durant cette tragédie. Ce qui a été un des évènements assez marquants de ma vie. Comment je les ai traversés ? J´ai eu la chance déjà de survivre de cette tragédie et puis c´était important pour moi d´avancer.
Cette tragédie vous a plutôt rendu fort on peut le dire…
Je dirai que cela m´a plus renforcé que détruit. Mais ça aussi je pense que c´est grâce à l´éducation que j´ai reçue de mes parents que j´ai pu rebondir, faire ma formation, me développer tant sur le plan personnel que professionnel.
Vous êtes installé à Monthey et vous travaillez ici à Martigny depuis combien de temps ?
De 2008 à 2013, j’ai travaillé dans différents secteurs de psychiatrie en Valais puis je suis parti à Lausanne. Fin 2014 je suis revenu en Valais/Martigny et repris mon poste de chef-de-clinique de Psychiatrie de liaison jusqu’à mon installation en 2017 d’abord à temps partiel, puis à plein temps depuis novembre 2018.
Dr. Patana, quels sont vos rapports avec vos pairs médecins dans la sous-région ?
Les rapports avec mes pairs, je les classerai en 3 niveaux. Tout d´abord les rapports professionnels avec mes collègues médecins psychiatres, généralistes dans le cadre du travail ici au cabinet ou dans le cadre institutionnel qui sont de très bons rapports. Ça a toujours été de très bons rapports parce qu´il y a un respect mutuel et cela m´a aussi permis de faire ma formation dans de meilleures conditions. Ensuite dans le plan associatif, je ne l´avais pas précisé au tout début mais depuis 2014 je suis président de l´association santé mentale Suisse-Rwanda. Cette association regroupe entre autre des médecins principalement spécialisés en psychiatrie et qui viennent de Genève, Lausanne, Neuchâtel et du Valais. Nous travaillons ensemble pour aider nos collègues au Rwanda. Sur le plan personnel, j´ai également beaucoup d´amis médecins.
On peut donc dire que les rapports sont au beau fixe
Oui exactement.
En dehors de cela, avez-vous d´autres activités extra-professionnelles?
Oui j´ai des activités sportives. Je joue au Volleyball. J´ai longtemps joué dans l´équipe de Volleyball de la ville d’Aigle (Canton de Vaud-Suisse, ndlr), de 2008 jusqu´à 2017. Aussi je fais du vélo parfois avec certains de mes collègues médecins ou avec des amis. En plus je vais trois à quatre fois par an au Rwanda pour donner des formations à mes collègues professionnels en santé mentale.
Nous arrivons doucement à la fin de notre entretien. Quel conseil donneriez-vous à un jeune Africain qui aimerait suivre vos pas ?
Les conseils c´est surtout d´avoir confiance en soi. Ne pas avoir tendance à se dévaloriser. Ne pas penser que le fait d´être Africain nous fait inférieurs aux Occidentaux ou aux autres, bien qu´on ait connu des parcours différents, des situations difficiles. Que l´on prenne ces situations comme des atouts plutôt que des faiblesses. Je leur dirai aussi qu´on a des capacités intellectuelles, des capacités humaines, des atouts culturels qu´il faut développer et mettre en valeur pour pouvoir avancer. Cela peut paraître difficile mais pas impossible. Parfois quand c´est difficile, c´est même mieux car ça donne de la valeur à ce qu´on a réussi à atteindre.
Dr. Patana, ainsi s’achève notre interview. Merci de votre disponibilité et à très bientôt sur Afrique opinion.
Merci de votre interview et de m´avoir accordé cette opportunité de donner mon avis sur ces questions importantes.
Propos recueillis par Merlin Tchouanga