Il vit en Suisse depuis plus d´un demi-siècle, il a quitté son pays natal en pleine période de l´apartheid pour la Suisse. C´est une bonne partie de sa vie passée ici en territoire helvétique. Ce retraité Sud-Africain aussi membre d´une association œuvrant dans le social a bien voulu s´ouvrir à nous.
Bonjour Monsieur Arendzé, vous êtes sur Afrique opinion, un magazine panafricain qui existe depuis le 8 décembre 2018 et qui parait en Suisse romande. Qui est Monsieur Arendzé ?
Alors moi je suis d’origine Sud-africaine et je suis en Suisse depuis 1966. J’ai étudié à l’université de Fribourg où j’ai eu un diplôme en Psychologie appliquée et depuis là, j’ai travaillé comme Psychologue et maintenant je suis retraité.
Vous êtes depuis 1966 en Suisse, pourriez-vous nous parler de votre intégration en tant que Sud-africain en Suisse depuis les années 66 jusqu’à nos jours ?
Oui ça s’est toujours passé d’une façon assez bien pour l’intégration parce que j’habitais dans un foyer international et vu que je viens de l’Afrique du Sud le pays de l’apartheid, c’était facile de se débarrasser de cette ségrégation raciale puisque le foyer était constitué de personnes de toutes les couleurs, nationalités et puis j’ai pu surmonter les difficultés d’être Noir en Afrique du Sud parce qu´ ici c’était plus facile d’être un étudiant parmi les autres : Alors à ce niveau-là, c’était facilité. Au niveau international il y a eu peu de contact envers les Suisses à l’époque et en ce temps-là, on disait tiers-mondistes et à ce niveau, il fallait avoir un peu plus d’ouverture avec les Suisses ; ce qui n’était pas facile mais petit à petit on s’était intégré.
Disons qu’en général votre intégration en Suisse s’est bien passée jusqu’ici, donc depuis que vous êtes arrivé pendant la période de l’apartheid, vous n’aviez pas eu de difficultés durant votre parcours ?
Oui on peut dire que je n’avais pas eu vraiment de difficultés sauf que quand je voulais me marier la première fois ici il fallait avoir un certificat de célibat et l’Afrique du sud ne me le donnait pas parce que j’allais me marier avec une blanche et puis du côté Suisse, administrativement les lois permettaient à toute personne de se marier librement et c’est ainsi que la Suisse m’a donné les papiers nécessaires pour me marier, quoi que par la suite j’ai divorcé quelques années après.
Dans le milieu professionnel, ça s’est aussi bien passé en tant que Psychologue ?
En tant que Psychologue oui, j’avais eu des postes importants après mes études et aussi à un moment donné j’ai eu des occasions de pratiquer dans un hôpital psychiatrique à Fribourg. Après j’ai travaillé à la section universitaire psychiatrique pour l’enfant et l´adolescent, à l’époque ça s’appelait Office Médico Pédagogique, j´y ai travaillé dans une équipe professionnelle avec des médecins, assistants sociaux, logopédistes et des psychologues bien sûr.
Vous étés arrivé en Suisse en 1966, cela fait plus de cinquante-quatre ans aujourd’hui, comment voyez-vous la Suisse de 1966 comparée à celle de 2019 ? Comment a-t-elle évolué sur le plan de l’intégration des étrangers ?
Il y a beaucoup plus d’Africains (rires), des personnes de nationalités différentes. En Suisse il y a plus d’acceptation des personnes venues d’ailleurs. Je disais d’ailleurs à ceux qui veulent m’entendre que je suis arrivé en Suisse, il y avait beaucoup d’Italiens avec de pizzarisation, et après de kébabilisation de la Suisse et maintenant j’espère que les africains vont africaniser la Suisse. Disons aussi qu’il y avait eu des périodes de rejets des étrangers avec des initiatives politiques qui voulaient limiter les étrangers en Suisse mais c’était trop tard. Lorsque j’étais étudiant à Fribourg, il y avait deux ou trois Africains qui étaient avec moi à Fribourg, maintenant il y a des milliers d’Africains, donc en 54 ans il y a eu plus d’ouverture, on accepte facilement un certain nombre d’Africains quoi qu’on sait bien que l’immigration pose souvent quelques problèmes.
Présentement vous êtes à la retraite, par ailleurs vice-président de l’association Inbewu. Qu’est-ce que c’est Inbewu et que fait-elle concrètement ?
Inbewu c’est un nom Sud-africain qui signifie une graine pour le futur. Nous avons cette association à Neuchâtel qui travaille en partenariat avec des associations et ONG (Organisation Non Gouvernementale, ndlr) en Afrique du sud. Nous travaillons pour des enfants vivant dans les bidonvilles et faisons en sorte qu’ils puissent avoir un lendemain meilleur que ce qu’ils avaient connu sous le régime de l’apartheid de l’époque. Mais il y a bien évidemment beaucoup encore de l’héritage de l’inégalité au niveau de ce qui est mis à la disposition des enfants noirs ou métisses. Cela existe encore ce type de ségrégation raciale en Afrique du sud dans les faits, même si vous ne trouvez aucune trace de ces pratiques dans les lois.
Comment est structurée Inbewu ?
Nous avons un siège à Neuchâtel, nous avions commencé avec le bénévolat et le volontarisme et progressivement avec l’évolution de l’association dans d’autres pays, nous avons constitué une équipe professionnelle au niveau de la structure de Inbewu et à ce niveau-là, nous sommes assez performants quoi que ce soit assez difficile au niveau financier de trouver toujours des fonds pour continuer ce que nous devrions faire en Afrique du sud.
Au niveau de Inbewu, est ce que vous travaillez avec d’autres associations basées en Suisse qui viennent aussi en aide aux enfants démunis en Afrique ?
Oui nous travaillons mais il n’y a pas beaucoup qui travaillent avec l’Afrique du sud. Ici en Suisse, je crois que nous sommes les seuls mais j’ai entendu parler de deux ou trois autres associations.
Aujourd’hui vous êtes à la retraite et avez vécu une bonne partie de votre vie ici en Suisse. De par votre expérience, quels conseils pourriez-vous donner à un jeune africain qui arrive en Suisse et veut faire des études ou suivre votre parcours ?
Je trouve que pour quelqu’un qui vient en Suisse, c´est déjà est un bon signe de vouloir faire autre chose, d’arriver à surmonter peut être beaucoup de difficultés. On parle beaucoup de la migration des Africains vers l’Europe, ce sont parfois des compétences, des personnes qui ont déjà affronté beaucoup de difficultés avant et qui arrivent en Suisse soit pour étudier, soit pour travailler ou faire autre chose. Alors il va falloir surmonter la question de la langue et puis arriver à trouver un moyen de survivre au niveau de la culture et aussi savoir comment faire pour réussir. C’est assez facile si l’on s’applique, de continuer à lutter, peut être la première année ça serait difficile, mais par la suite les choses se passent bien, mais c’est tout un processus.
Nous arrivons au terme de notre interview, Monsieur Arendzé merci et bonne chance pour Inbewu.
Inbewu va encore faire beaucoup de choses dans les années à venir pour les enfants des bidonvilles en Afrique du sud parce que notre programme est basé sur l’éducation par le sport et d’autres thématiques.
Propos recueillis par Merlin Tchouanga