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Le délit de faciès: Explications de Madame Olivia Cutruzzola de la Police vaudoise

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Pour son premier atelier de l’année 2025, l’association Ebène Suisse, en collaboration avec la Police cantonale vaudoise et le Bureau cantonal pour l’intégration des étrangers et la prévention du racisme, a organisé le dimanche 23 mars dernier, une conférence sur le thème « le délit de faciès ». Occasion nous a été donnée pour prendre quelques mots à Olivia Cutruzzola sur ce thème qui a attiré plus d’une cinquantaine de participants dans la salle de l’Ancien Stand de Vauvrise à Bex.

 

Olivia Cutruzzola, Bienvenue sur la plateforme Afrique Opinion, pouvez-vous vous présenter à nos lectrices et lecteurs ?

Je suis officière spécialisée en charge de la diversité, de la prévention et des relations avec les citoyen.ne. s auprès de la Police cantonale vaudoise. J’ai débuté ma carrière au sein de la Police cantonale vaudoise en mars 2009. J’ai d’abord occupé la fonction de porte-parole et chargée de communication au sein de l’institution, avant de prendre pour quelques années la responsabilité de la section Communication et relations publiques. J’ai désormais la charge d’une section qui comprend les divisions prévention criminelle et celle de la gestion de la doléance citoyenne et des personnes menaçantes. Très sensible aux enjeux sociétaux liés à la diversité et à l’accompagnement des publics-cibles vulnérables, je contribue à la mise en place de divers dispositifs de prévention, de sensibilisation et de formation policière dans le domaine des discriminations LGBTIQ et racistes.

 

Le thème de la conférence organisée par l’association Ebène Suisse, le dimanche 23 mars 2025 était « le délit de faciès ». C’est quoi le « délit de faciès » ? et à partir de quand peut-on dire qu’il y a délit de faciès ?

Le délit de faciès désigne une pratique discriminatoire où une personne est contrôlée, interpellée ou subit un traitement défavorable uniquement en raison de son apparence physique, notamment ses traits faciaux, sa couleur de peau ou son origine ethnique présumée. A partir du moment où un individu est ciblé par un contrôle de police en raison de son apparence (couleur de peau, origine perçue, etc.) plutôt qu’en raison de son comportement ou de motifs objectifs, nous pouvons parler de profilage racial ou délit de faciès.

 

De g. à d. Olivia Cutruzzola (Police cantonale vaudoise), Amina Benkais-Benbrahim (Déléguée à l’intégration, BCI) et Sourou Adada Hazoume (Association Ebène Suisse) (Droits photos réservés)

Quelles mesures concrètes, la Police Vaudoise met-elle en œuvre pour limiter les dérives de comportement dans ses rangs lors des contrôles de police ? Comment sont mesurées ou évaluées ces mesures mises en place? Et y a-t-il des améliorations ?

Les hiérarchies des polices vaudoises dispensent de concert un message ferme et clair : les discriminations, notamment le racisme, n’ont pas leur place au sein de la corporation. Elles investissent énormément dans les formations de base et continue. De manière générale, les policiers sont formés aux contrôles basés sur des faits objectifs comme le comportement et non sur l’origine ethnique.  La sensibilisation aux questions en lien avec les discriminations raciales intervient à toutes les étapes de la carrière policière. La formation de base comprend des cours spécialisés dans les domaines des droits humains et de l’éthique professionnelle dispensés par des expert·e·s (une cinquantaine d’heures, y compris des exercices pratiques) ainsi qu’un cours sur les comportements à adopter par les policières et les policiers envers les personnes migrantes, mis en place par l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (cours d’une journée, avec ateliers pratiques).

Nous renforçons la formation de base pour les policiers en formation (2e année), avec notamment une journée complète dédiée aux minorités ethniques et la sensibilisation à ces sujets. Les grandes matières abordées sont :

 

  • la déconstruction des préjugés et des stéréotypes avec une introduction à la notion de racisme structurel
  • les compétences transculturelles
  • le contrôle d’identité et le profilage racial

Les formations de base sont obligatoires.

Au niveau de la formation continue:

  • Une formation continue multimodale sur les questions de société est prévue pour les policier.ère.s en activité, dont un module d’une journée sur les questions de discrimination raciale.
  • L’Institut suisse de police dispense deux journées de formation continue dans le cadre d’un cours spécifiquement orienté sur la migration et la discrimination raciale.

De plus, chaque cadre supérieur doit effectuer un CAS (Certificate of Advanced Studies, ndlr) en management policier, incluant une semaine complète dédiée aux questions éthiques et juridiques liées à ces thématiques.

Par ailleurs, la Police cantonale collabore avec le BCI (Bureau cantonal pour l’intégration des étrangers et la prévention du racisme, ndlr) depuis plusieurs années afin de mettre en place des actions internes. Au niveau de l’administration cantonale vaudoise, un e-learning destiné à sensibiliser sur les discriminations et à former aux comportements adéquats dans un contexte de travail a été mis en place. Cet atelier est obligatoire pour tous les cadres de la Police cantonale.

 

Olivia Cutruzzola (Droits photos réservés)

Avez-vous des cas concrets où un policier a été sanctionné pour un écart de comportement affiché lors d’un contrôle d’identité ?

Nous ne disposons pas de statistiques mais pouvons affirmer avec l’expérience que peu de situations de ce type sont portées à notre connaissance. Néanmoins, la Police cantonale vaudoise prend très au sérieux toutes les doléances de citoyen.ne.s exprimant un malaise ou une déficience de leur prise en charge. Lorsqu’une doléance parvient à la police, elle est systématiquement traitée par des spécialistes en médiation. Le traitement vise d’une part à comprendre le déroulement complet de la prise en charge, par le biais notamment d’une détermination précise du/de la policier.ère mis.e en cause, et d’autre part à permettre au/à la citoyen.ne d’exposer son cas. Les résultats permettent d’adapter la pratique lorsqu’il est détecté que la prise en charge était inadéquate. Des sanctions disciplinaires, voire une dénonciation pénale, sont aussi possibles lorsque opportunes. Il y a aussi lieu de préciser que plus de 2000 policiers.ères œuvrent sur le canton de Vaud et qu’il n’est pas possible de contrôler à priori l’activité de chacun.e. C’est donc bien à une meilleure connaissance entre les citoyen.ne.s et la police qu’il faut œuvrer pour éviter les situations génératrices d’incompréhension, de souffrance et de tension. C’est notamment pour cela que les polices vaudoises s’engagent avec le Bureau cantonal pour l’intégration des étrangers et la prévention du racisme (BCI) dans le cadre de la plateforme de dialogue avec les communautés étrangères, dispositif inscrit par le Conseil d’Etat à son plan de législature 2022/2027.

 

Lors de la conférence de dimanche dernier à Bex, vous avez constaté tout comme moi, que ce sujet non seulement a attiré beaucoup de personnes originaires du continent africain, mais a suscité aussi beaucoup de questions, notamment après que les participants aient pris connaissance de la brochure à eux distribuée. Madame Olivia Cutruzzola, j’aimerais bien voulu avoir votre avis sur ce type de conférence en général, et plus particulièrement sur la conférence à Bex sur le thème évoqué ci-dessus.

Je trouve excellente chaque initiative et opportunité de pouvoir échanger et dialoguer avec le public. Cette rencontre à Bex a été très riche et constructive. Elle nous a aussi donné la chance de « tester » le contenu d’une nouvelle brochure sur le contrôle de police. Les retours et suggestions des personnes concernées sont pour nous très précieux. Ils ont été pris en compte dans la finalisation du travail de contenu de cette brochure, qui sera distribuée dans les prochains mois.

De manière plus générale, dans le cadre de la politique de lutte contre le racisme et les discriminations, le Bureau cantonal pour l’intégration des étrangers et la prévention du racisme (BCI) et la Police cantonale vaudoise ont étroitement collaboré afin de créer une plateforme visant à promouvoir les échanges entre les institutions et les communautés étrangères actives dans le canton de Vaud. Cette plateforme a été lancée en mars 2022, à l’occasion de la Semaine d’actions contre le racisme. Présidée par le BCI et la Police cantonale, elle a pour but de garantir une représentation aussi pertinente que possible des communautés étrangères établies dans le canton et de créer un lien entre elles, l’administration cantonale et les autorités policières. Elle vise ainsi à instaurer une meilleure compréhension mutuelle des enjeux propres à chaque partenaire. Grâce à leur ancrage sur le terrain et leur expérience au contact des bénéficiaires, les membres de la plateforme sont ainsi appelés à remplir un rôle prépondérant en faveur du renforcement des liens sociaux. La plateforme se réunit régulièrement.

Depuis son lancement, 5 séances de travail plénières et trois ateliers en sous-groupes ont permis l’identification de deux axes principaux de travail: la prévention de la pratique du délit de faciès ou profilage racial et la diversité au sein des corps de police vaudois. Afin de répondre aux attentes des membres et de remplir les objectifs fixés, trois mesures seront mises en œuvre. Elles sont en cours d’opérationnalisation depuis janvier 2024 et courent jusqu’à la fin de la législature politique en cours (2027), soit :

  1. Organisation d’échanges entre associations, quartiers et polices ;
  2. Communication sur les actions mises en œuvre par la police pour lutter contre le racisme avec le lancement d’un forum d’échanges sur la prévention du racisme ;
  3. Délit de faciès et implication des personnes concernées.

De plus, la Police cantonale coopère avec de nombreux partenaires, notamment l’Établissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM), le Centre social d’intégration des réfugiés (CSIR) et des associations qui œuvrent pour les droits des minorités, pour dialoguer et échanger, puis mettre en place des projets et actions de prévention auprès des publics concernés, comme des séances de primo-information pour nouveaux/elles arrivant-e-s. Dans certaines régions, la police intervient parfois pendant des cours de français, afin de prendre contact avec la population et de présenter la police.

 

Merci Madame Cutruzzola pour ces réponses et éclaircissements, pour le travail que vous faites pour la population et les citoyens que nous sommes et à bientôt sur la plateforme Afrique Opinion.

 

Entretien réalisé par Merlin Tchouanga

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