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Le Conflit au Kasaï exposé en photos à Lausanne

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La zone du Kasaï en République Démocratique du Congo a connu entre août 2016 et 2019 des tensions entre ses chefs traditionnels et le gouvernement congolais. Tensions nées d’une loi votée par l’assemblée nationale, mais perçue comme un moyen de contrôle des chefs. Justin Makangara nous relate ici à travers ses photographies, les conséquences qu’a entraînées ce conflit, parmi lesquelles les atrocités commises sur les populations.

 

Bonjour M. Makangara et bienvenue sur la plateforme Afrique Opinion. Pouvez-vous nous dire un peu plus sur vous s’il vous plaît ?

Bonjour et merci pour l’accueil. Je suis Justin Makangara, Journaliste multimédias et photographe documentaire Indépendant basé en République démocratique du Congo, ancien boursier de la VII Academy, où j’ai eu à me professionnaliser en tant que photojournaliste sur des projets liés à la narration visuelle et récits documentaires, aux médias et aux enjeux contemporains du journalisme. Collaborateur de plusieurs agences et organisations comme Reuters Thomson, New York times, Fairepicture…
Mon parcours m’a amené à m’intéresser particulièrement aux dynamiques ethnologique et sociologique dans mon pays et sur le continent Africain avec un regard sur les sujets peu médiatisés et qui font objet de plusieurs préjugés par manque d’une narration avec évidence et à la manière dont les récits sont construits et diffusés dans l’espace public. Aujourd’hui j’arrive à questionner notre société mais aussi à engager un dialogue par mon travail sur divers thématiques.
C’est un honneur pour moi de pouvoir échanger sur cette plateforme qu’est Afrique Opinion, un espace précieux de réflexion et de dialogue.

 

Justin Makangara (©STEFAN_PAVIC)

Vous avez exposé vos œuvres photographiques au Cinéma Pathé les Galeries à Lausanne du 03 mars jusqu’ au 30 avril dernier. 
Pouvez-vous nous dire un peu plus sur cette exposition ?

Effectivement, mon exposition intitulée « Au passage de dire » était visible au Cinéma Pathé Les Galeries à Lausanne, depuis le 3 mars, et ce jusqu’au 30 Avril.

Ce travail nous ramène au cœur du Congo profond, dans la région du Kasaï central — souvent appelée, presque ironiquement aujourd’hui, « l’Oasis de la paix ». À travers mes photographies, je souhaite montrer une autre facette de cette région, marquée non par la paix, mais par les séquelles d’un conflit violent, où la République s’est battue contre ses propres enfants, la guerre de Kamwena Nsampu.

Il s’agit d’un travail documentaire que j’ai mené dans une zone post-conflit, lourdement affectée sur les plans humain, psychologique et social. Il m’était inacceptable que cette histoire soit racontée d’un seul point de vue, souvent institutionnel ou extérieur. C’est pourquoi, en 2021, avec mon ami Hugues Abriel, nous avons décidé de nous rendre sur place pour écouter, observer et documenter ce que les survivants avaient à dire — ou à taire.

Cette exposition est donc le fruit de ce travail de terrain, et c’est une grande fierté de la présenter pour la première fois à Lausanne, en Suisse.

 

Vous avez exposé sur les atrocités commises lors de la guerre au Kasaï en République Démocratique du Congo. Que voulez-vous exactement montrer au public ?

Je ne cherche pas à imposer un message clair ou définitif. Au contraire, je souhaite que les visiteurs s’interrogent, qu’ils trouvent eux-mêmes ce qu’ils ont à dire face à mon travail.

Parler de son propre travail, c’est parfois moins important que d’écouter ce qu’il suscite chez les autres. Mon intention est avant tout de créer un espace de dialogue et de réflexion. En exposant ces images, je cherche à ouvrir un débat, à donner une voix aux personnes photographiées — celles dont les histoires sont souvent ignorées ou mal comprises.

Aujourd’hui, ce sont les visiteurs qui, par leurs réactions, leurs mots laissés dans le livre d’or, prolongent cette parole. Et pour moi, c’est là l’essentiel : susciter un regard attentif, éveiller des questions, encourager une curiosité sincère envers cette région du Kasaï et les causes profondes du conflit.

 

Sévices commis sur homme Kasaïen (© JUSTIN MAKANGARA)

Votre exposition s’est achevée le 30 avril dernier. Quel sentiment avez-vous ? Êtes-vous satisfaits de son déroulement ?

Je ressens à la fois de la satisfaction et de la fierté. Pendant ces deux mois, j’ai eu l’opportunité de confronter mon travail à un public nouveau et exigeant. Les échanges, les réactions et les nombreuses visites ont confirmé la pertinence des questions soulevées par cette exposition. Pour une première présentation dans un écosystème culturel comme celui de Lausanne, cela représente une étape importante — presqu’un défi relevé pour quelqu’un qui vient de loin, et qui expose ici pour la première fois. C’est aussi une expérience riche en apprentissages. Le regard des autres nous aide à affiner notre démarche, à mieux comprendre l’impact de notre travail. Le fait que les visiteurs s’intéressent déjà à mes projets futurs est, pour moi, une réussite en soi.

 

Parlant effectivement des projets futurs, quelles sont vos prochaines expositions ? Quand le public lausannois ou suisse pourra-t-il à nouveau découvrir vos œuvres ?

Ce ne sera pas très long avant un retour. L’année est encore pleine de possibilités et de projets à venir. Parmi eux, une collaboration possible avec Suisse Drepa (Association Suisse Drépano, ndlr), a vu le jour ainsi qu’un programme de création théâtrale prévu l’année prochaine en Suisse — sous réserve de confirmation. Je ne peux pas encore partager tous les détails, mais je vous tiendrai informés dès que tout sera en place. Je poursuis aussi ma démarche artistique à long terme. Pendant mon séjour ici, je n’ai pas croisé les bras : au-delà de l’exposition, j’ai aussi entamé un travail de création en portant un regard neuf sur la Suisse, sa culture et sa société. Ce regard est né d’un constat : le manque de connaissance réciproque entre la Suisse et l’Afrique, en particulier la République Démocratique du Congo. C’est ainsi que j’ai commencé à documenter, à observer, à réfléchir. Ce travail pourrait voir le jour dans les mois à venir, ici en Suisse — ou ailleurs, qui sait. D’une certaine manière, cette période a été pour moi une résidence improvisée, rendue possible grâce à mon grand mécène et ami, Hugues Abriel, que je remercie profondément pour son soutien.

 

Sévices commis sur jeune fille Kasaïenne (© JUSTIN MAKANGARA)

Un dernier mot sur votre séjour en Suisse ?

À l’approche de la fin de mon séjour, prévue pour mi-mai, je peux dire que ce fut une expérience profondément enrichissante, dont je repars avec beaucoup de fierté et de gratitude. J’ai eu la chance de faire de belles rencontres, d’envisager des perspectives de collaboration, mais aussi de m’immerger dans un écosystème culturel riche et dynamique.

Je tiens à remercier tout particulièrement Nadja pour cet accompagnement avec la Galerie du Cinéma Pathé pour son précieux soutien, ainsi que les amis qui ont tous contribué à ce projet, particulièrement à Esteban Agurcia, pour leurs apports inestimables tout au long de cette aventure.

Mes œuvres restent disponibles pour des tirages, et je serais heureux qu’elles trouvent leur place dans la société suisse. Cela me permettrait de continuer à financer mes projets à venir, et de nourrir cette démarche de création engagée que je poursuis avec conviction.

 

Merci Justin et à bientôt sur Afrique Opinion.

 

Propos recueillis par Merlin Tchouanga

 

Pour vos publireportages et interviews, veuillez nous contacter à l’adresse email: info@afriqueopinion.ch

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